Auteurs: Juan Carlos Soto Del Castillo et Jagoba Goiri Garrastazu
Avocats 

D’autres versions linguistiques de l’article sont disponibles:

Publié et traduit par Winter – Dávila & Associés.
Paris, 1 août 2023.

ABRÉVIATIONS
TFUE : Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
CJUE : Cour de justice de l’Union européenne.
ACJUE : Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne.
UE : Union européenne

MOTS CLÉS :
Activité économique ; Agents ; Droit de la concurrence ; Entreprise ; FIFA ; Restriction ; Meca-Medina ;

RÉSUMÉ :
Cet article présente brièvement l’arrêt du tribunal de Dortmund qui ordonne l’adoption de mesures de précaution dans l’application du règlement de la FIFA sur les agents. Le tribunal estime que la jurisprudence Meca-Medina ne peut être appliquée car, outre le fait qu’elle ne remplit pas les conditions requises, il lui manque la condition essentielle, à savoir la réglementation sportive. 

In this article, a brief exposition is made about the Dortmund Court Judgment that orders the adoption of precautionary measures in the application of the FIFA Regulation that governs agents. The Court understands that the doctrine of the Meca-Medina case cannot be applied because, besides not meeting the requirements, it lacks the essential requirement, which is the sports regulations.

TEXTE :
Avant d’aborder la question de la réglementation des agents par le règlement de la FIFA, il est nécessaire d’établir le contexte normatif et jurisprudentiel de l’UE.

VOUS POUVEZ AUSSI LIRE: L’avenir incertain des clauses d’arbitrage sportif en Allemagne

Les articles 101 et 102 du TFUE sont les préceptes juridiques sur lesquels repose actuellement le droit européen de la concurrence.

« Tous les accords entre entreprises, toutes les décisions d’associations d’entreprises et toutes les pratiques concertées qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur, et notamment ceux qui consistent à :

(a) fixer directement ou indirectement les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction ;
(b) limiter ou contrôler la production, les marchés, le développement technique ou les investissements ;
(c) répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement ;
(d) appliquer à l’égard de tiers des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ;
(e) subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation par les cocontractants d’obligations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de rapport avec l’objet de ces contrats.

  1. Les accords ou décisions interdits par le présent article sont nuls et non avenus. 3) Toutefois, les dispositions du paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables à

– tout accord ou catégorie d’accords entre entreprises
– toute décision ou catégorie de décisions d’associations d’entreprises,
– toute pratique concertée ou catégorie de pratiques concertées,

qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans pour autant :

(a) imposer aux entreprises concernées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs ;
(b) donner à ces entreprises la possibilité d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause“.

Article 102 TFUE ” Est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci. Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à :

(a) imposer directement ou indirectement des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction non équitables ;
(b) limiter la production, les marchés ou le développement technique au détriment des consommateurs ;
(c) imposer des prix d’achat, des prix de vente ou d’autres conditions commerciales non équitables ;
(d) à subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation par les cocontractants d’obligations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats.

Une fois les préceptes juridiques identifiés, il convient de se tourner vers la jurisprudence la plus pertinente en la matière pour déterminer si le droit de la concurrence peut être considéré comme applicable dans le domaine du sport et si les fédérations sportives sont des entreprises.

Dans l’ACJUE du 12 décembre 1974, dans l’affaire 36/74 (Walrave et Koch contre UCI), il a été expressément reconnu que l’activité sportive est soumise aux règles du droit de la concurrence dans la mesure où il s’agit d’une activité économique.

Dans son interprétation du terme “entreprise”, la CJUE du 1er juillet 2008 dans l’affaire C-49/07 (MOTOE c. Eliniko Dimosio) a statué comme suit au paragraphe 21 :

«”Bien que le traité ne définisse pas la notion d’entreprise, la Cour de justice a toujours considéré que toute entité exerçant une activité économique doit être qualifiée comme telle, indépendamment de la nature juridique de cette entité et de son mode de financement (affaires C-41/90, Höfner et Elser, Recueil 1991, p. I-1979, point 21, et C-264/01, AOK Bundesverband et autres, Recueil 2004, p. C-306/01, C-354/01 et C-355/01, Recueil 2004, p. I-1979, point 21). I-1979, point 21, et affaires jointes C-264/01, C-306/01, C-354/01 et C-355/01, AOK Bundesverband et autres, Rec. 2004, p. I-2493, point 46).»

Il est donc indéniable que le droit de la concurrence peut s’appliquer en l’espèce, puisqu’il s’agit d’une activité économique – le marché des joueurs de football – et qu’il existe une réglementation d’une entreprise ou d’une association d’entreprises telle que la FIFA.

Photo: Cour de justice de l’Union européenne

Le Tribunal de Dortmund analyse les pratiques ou décisions suivantes qui sont incluses dans le Règlement de la FIFA :

  1. Limitation de la rémunération : La Cour considère que la FIFA impose un plafond aux honoraires des agents.
  2. règles d’exigibilité des paiements : la FIFA réglemente les modalités de paiement des agents en fonction de la durée du contrat du joueur.
  3. Détermination du débiteur : la FIFA prévoit que seul le client de l’agent – le club ou le joueur – peut payer les services de l’agent.
  4. Paiement effectif du salaire du joueur : les honoraires des agents sont liés à ceux des joueurs.
  5. Règlement par l’intermédiaire d’une entité spécifique : tous les paiements doivent être effectués par l’intermédiaire de l’entité prévue par le règlement.
  6. Interdiction de la représentation multiple.
  7. Exigences en matière de déclaration : introduction d’une obligation de divulgation et de déclaration pour les agents.
  8. Obligation de licence

Compte tenu de la similitude des arguments avancés par la Cour, ils seront traités ensemble.

La Cour estime que le contenu décrit ci-dessus est contraire à la libre concurrence, à l’autonomie des entreprises et au libre marché.

La Cour considère que cette législation crée un cadre réglementaire qui restreint la liberté d’entreprise et la liberté de marché des agents parce qu’elle établit des lignes directrices qui normalisent l’activité.

Ces réglementations limitent la possibilité pour les agents d’être compétitifs sur le marché, étant donné que des éléments essentiels tels que les honoraires et la personne obligée de payer sont strictement réglementés par les règlements de la FIFA.

Compte tenu de sa spécificité, le sport a bénéficié de certains avantages dans le domaine du droit de la concurrence, tant que les restrictions étaient liées aux règles sportives :

1- But légitime
2- Nécessairement lié à la poursuite des objectifs
3- Les effets sont proportionnés.

Ces critères sont prévus par l’ACJUE du 18 juillet 2006 dans l’affaire C-519/04P (Meca-Medina et Majcen c. Commission des Communautés européennes et République de Finlande).

«”Tout accord entre entreprises ou toute décision d’une association d’entreprises qui restreint la liberté d’action des parties ou de l’une d’entre elles ne tombe pas nécessairement sous le coup de l’interdiction de l’article 81, paragraphe 1, CE. Pour appliquer cette disposition à un cas particulier, il convient de tenir compte du contexte global dans lequel la décision de l’association d’entreprises concernée a été prise ou dans lequel elle produit ses effets, et plus particulièrement de ses objectifs. Il convient ensuite d’examiner si les effets restrictifs de concurrence qui en résultent sont inhérents à la poursuite de ces objectifs (arrêt Wouters e.a., précité, point 97) et proportionnés à ceux-ci.»

Étant donné que la jurisprudence se concentre sur les objectifs du règlement ou de l’accord, il est nécessaire de préciser les objectifs énoncés par la FIFA à l’article 1 du règlement.

“La FIFA a l’obligation statutaire de réglementer toutes les questions relatives au système de transfert dans le football. Les objectifs fondamentaux du système de transfert dans le football sont : a) protéger la stabilité contractuelle entre les joueurs professionnels et les clubs ; b) encourager le développement des jeunes joueurs ; c) promouvoir un esprit de solidarité entre le football de base et le football d’élite ; d) protéger les mineurs ; e) préserver l’équilibre compétitif ; et f) assurer la régularité des compétitions sportives.

2- Les règles régissant le travail de l’agent de football garantissent que le comportement de tout agent est compatible à la fois avec les objectifs fondamentaux du système de transfert dans le football et avec les objectifs suivants : (a) garantir la qualité des services fournis par les agents de football à leurs clients ainsi que des honoraires équitables et raisonnables appliqués de manière uniforme ; b) limiter les conflits d’intérêts afin de protéger les clients contre les comportements contraires à l’éthique ; c) améliorer la transparence administrative et financière ; d) améliorer la transparence administrative et financière ; e) protéger les joueurs qui manquent d’expérience ou d’informations sur le système de transfert du football ; f) améliorer la stabilité contractuelle pour les joueurs, les entraîneurs et les clubs ; et g) empêcher les pratiques abusives, excessives ou spéculatives. “

En ce qui concerne ces objectifs, la Cour estime qu’ils ne sont pas valables pour être considérés comme compatibles avec le droit de la concurrence car, d’une part, il ne s’agit pas de règles sportives et, d’autre part, alors qu’il existe d’autres solutions possibles au problème à traiter, c’est celle qui restreint le plus les possibilités des acteurs qui a été choisie.

En outre, elle estime qu’elles sont disproportionnées parce que le règlement se réfère à tous les transferts effectués par tous les agents, sans exception ni différenciation. En outre, ce règlement aurait un impact sur 100 % du marché des transferts de football. Cette question est développée de manière beaucoup plus précise aux points 154 à 170 de l’arrêt.

VOUS POUVEZ AUSSI LIRE: Le Nouveau Règlement FIFA sur les Agents de Football

Enfin, il nous semble intéressant de mentionner la déclaration de la Cour concernant l’exigence de protection de l’intégrité du sport et celle de la protection de l’enfance lorsqu’elle affirme au paragraphe 169 “Cette dernière relève de la compétence du législateur et ne devrait pas être réglementée par une association sportive au moyen d’incitations économiques coordonnées pour d’autres acteurs du marché”.

Comme le concluent les auteurs, le sport professionnel, en particulier le football, est une réalité qui a largement dépassé “la joie de l’effort, la valeur éducative du bon exemple, la responsabilité sociale et le respect des principes éthiques fondamentaux universels” prônés par la Charte olympique.

Le sport professionnel est devenu un marché et une activité économique, et les acteurs impliqués entendent poursuivre sa régulation et son contrôle sur la base des principes du jeu et de l’activité physique, en oubliant que les décisions prises, surtout dans des cas similaires à celui de la FIFA, ont un impact sur un marché mondial.

Cette situation nous donne l’occasion de revenir sur des débats anciens – s’ils ont jamais été tranchés – tels que les limites de la spécificité sportive et les conflits qui surgissent lors de l’interaction dans certains domaines du droit, comme celui de la concurrence en l’occurrence.

AVIS LÉGAL : Cet article a été préparé à des fins d’information uniquement. Il ne remplace pas un conseil juridique adapté à des circonstances particulières. Vous ne devez pas engager ou vous abstenir d’engager une action en justice sur la base des informations contenues dans le présent document sans avoir au préalable sollicité un avis professionnel et individualisé en fonction de votre propre situation. Le recrutement d’un avocat est une décision importante qui ne doit pas être basée uniquement sur les publicités.


Si vous voulez des conseils en lien avec le sujet de l’article, n’hésitez pas à nous contacter!
(email :contact@wdassocies.com)