Publié et traduit par Winter – Dávila & Associés.
Paris, 02 mars 2022.

Auteur: Miguel Ángel Dávila

Avocat diplômé de l’Université de Lima (Pérou) ; membre du Barreau de Lima depuis 2011 et du Barreau de Paris depuis 2022; Master 2 en droit, économie et gestion du sport de l’Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne (France) ; arbitre de la Chambre de conciliation et  résolution des litiges (CCRD) de la Fédération péruvienne de football (FPF) ; président de la Commission de justice (CJ) de la Fédération péruvienne de rugby (FPR) ; Associé du Estudio Valdivia – Dávila & Asociados ; associé du cabinet international Winter – Dávila & Associés ; membre du comité directeur de l’Association Droit du Sport Paris I Panthéon – Sorbonne (DSS) de France ; membre du département péruvien de l’Institut ibéro-américain de droit du sport du Brésil (IIDD) et ancien joueur de l’équipe nationale péruvienne de rugby.

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Moins d’une semaine après l’invasion militaire de l’Ukraine par la Russie, le pays des Tsars fait l’objet de sanctions politiques, économiques et sportives. Dans cet article, nous allons procéder à une analyse juridique des sanctions sportives imposées à la Russie, afin de savoir précisément si :

  1. Elles ont été effectuées en raison du non-respect d’un accord existant ?
  2. Elles ont une base juridique ? c’est-à-dire ont-elles été préalablement et spécifiquement caractérisées dans une loi, un règlement, un corpus juridique, etc.
  3. Elles sont purement politiques ?

Avant de commencer, il convient de noter que cet article n’analysera pas si l’invasion russe est légitime ou abusive. En ce sens, nous réitérons que dans les lignes qui suivent, nous nous limiterons à une analyse juridique pour déterminer si les sanctions sportives imposées à la Russie sont légales ou politiques.

Pour ce faire, il est d’abord nécessaire de connaître un peu le contexte, notamment la trêve olympique approuvée par les Nations unies (ONU), ainsi qu’un examen rapide de la chronologie des sanctions sportives imposées à la Russie.

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 Contexte

Le 2 décembre 2021, la 76e Assemblée générale des Nations unies s’est tenue à New York, où une résolution intitulée “Construire un monde pacifique et meilleur grâce au sport et à l’idéal olympique[1]” a été adoptée par consensus, avec 173 des 193 États membres votant en faveur.

La résolution exigeait le respect obligatoire de la “trêve olympique” pour les Jeux olympiques et paralympiques d’hiver de 2022 à Pékin. Il convient de noter que cette tradition vient du grec “Ekecheiria” et remonte directement à la Grèce antique, précisément au 9e siècle avant Jésus-Christ. À l’époque, il était utilisé pour interdire toute forme d’hostilité pendant les Jeux olympiques et permettre ainsi le déplacement libre et sûr des athlètes et des spectateurs.

Il convient également de noter que depuis 1993, l’Assemblée générale des Nations unies soutient le Comité international olympique (CIO) et le développement des Jeux olympiques et paralympiques en adoptant tous les deux ans une résolution dans laquelle elle appelle les États membres à respecter la Trêve olympique.

Or, lors de celle conclue par l’ONU l’année dernière, il a été établi que l’Ekecheiria commencerait sept jours avant le début des Jeux olympiques d’hiver et se terminerait sept jours après la fin des Jeux paralympiques.

En ce sens, si l’on tient compte du fait que les Jeux olympiques d’hiver de Pékin ont commencé le 4 février 2022, la Russie a respecté la première date de la trêve olympique, puisqu’aucun conflit armé, et encore moins une invasion, n’avait commencé au 28 janvier 2022.

Toutefois, la deuxième échéance de la trêve olympique couvrait jusqu’à sept jours après la fin des Jeux paralympiques d’hiver fixé, selon le calendrier approuvé, le 13 mars 2022. En d’autres termes, la trêve olympique prenait fin le 20 mars 2022.

Chronologie des sanctions sportives imposées à la Russie

Maintenant que le contexte onusien a été clarifié et expliqué, nous pouvons entrer dans le vif du sujet avec la chronologie des sanctions sportives subies par la Russie.

Un char russe en tournée sur les pistes ukrainiennes. Photo : elpais.com

– 24 février 2022.

Comme il est de notoriété publique, la Russie a lancé une invasion militaire en Ukraine le jeudi 24 février. Le même jour, le CIO a fermement condamné la violation de la trêve olympique en publiant un communiqué[2].

– 25 février 2022

La commission exécutive du CIO a demandé instamment[3] à toutes les fédérations sportives internationales d’annuler et de déplacer tout événement sportif devant se dérouler en Russie et en Biélorussie[4] pour violation de la trêve olympique. De même, le CIO a demandé que ni le drapeau russe, ni le biélorusse, ni l’hymne national de ces deux pays ne soient présentés lors d’un événement sportif international. Par conséquent, le même jour :

– Le Comité exécutif de l’UEFA a annoncé qu’il avait décidé de changer le lieu de la finale de la Ligue des champions au “Stade de France” au lieu et place du stade “Gazprom Arena” à Saint-Pétersbourg, en Russie.

– La F1 a suspendu le Grand Prix de Russie qui devait se tenir à Sotchi en septembre 2022.

– 26 février 2022

Le propriétaire du club anglais de Chelsea, le Russe Roman Abramovitch, a annoncé qu’il allait confier “l’administration” du club aux administrateurs d’une fondation caritative de l’équipe, en essayant d’éviter de futures représailles.

D’autre part, la Fédération internationale de natation (FINA) a annulé les championnats du monde juniors organisés en Russie et a confirmé qu’aucune compétition internationale ne sera organisée en Russie jusqu’à nouvel ordre.

Dans la même veine, les unions internationales de boxe (IBF, WBC, WBA, WBO) ont communiqué que les championnats en Russie sont suspendus jusqu’à nouvel ordre.

Enfin, les fédérations de volley-ball de France et de Pologne, respectivement championne olympique et championne du monde, ont annoncé qu’elles refuseraient de jouer la Coupe du monde de volley-ball si elle était maintenue en Russie.

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– 27 février 2022

La Fédération internationale de judo a suspendu le président russe Vladimir Poutine de ses fonctions de président honoraire et d’ambassadeur du judo.

– 28 février 2022

Le CIO a publié une résolution[5] dans laquelle il :

– Recommande aux fédérations sportives internationales de ne pas inviter ou autoriser la participation d’athlètes ou d’officiels russes ou biélorusses à des compétitions internationales.

– Si cela n’est pas possible, les Russes ou les Biélorusses, en tant qu’athlètes ou équipes, ne doivent être acceptés qu’en tant qu’athlètes ou équipes neutres, et ne doivent pas arborer de symboles, couleurs, drapeaux ou hymnes nationaux.

– Il a réitéré sa recommandation de ne pas organiser d’événements sportifs en Russie ou en Biélorussie.

– Retrait de l’ordre olympique aux responsables du gouvernement russe, y compris au président Vladimir Poutine (Or, 2001).

Le président russe Vladimir Poutine et la Coupe du monde de football. Photo : noticieros.televisa.com

Le même jour, la FIFA a suspendu la Russie de la Coupe du monde 2022 au Qatar et l’UEFA a annoncé conjointement qu’elle suspendait les clubs russes des compétitions internationales.

En conséquence, l’équipe nationale russe de football ne pourra pas participer au premier match de barrage contre la Pologne, qui avait précédemment annoncé son refus de jouer contre les Russes, ainsi que contre la République tchèque et la Suède, adversaires possibles du dernier match de barrage.

En outre, la Fédération internationale de hockey sur glace (IIHF) a annoncé qu’elle suspendait les équipes russes et biélorusses dans toutes les catégories, ainsi que leurs clubs dans toute compétition jusqu’à nouvel ordre.

– 01 mars 2022

Les fédérations de ski des pays scandinaves, la Norvège et la Suède, ont annoncé que les athlètes russes et biélorusses ne seront pas les bienvenus sur leur territoire pour les compétitions du mois prochain.

De son côté, le gouvernement britannique a annoncé que les équipes nationales de Russie et de Biélorussie étaient « persona non grata ».

Analyse juridique des sanctions sportives imposées à la Russie

  1. Ont-elles été faites sur la base d’une violation d’un accord antérieur ?

Comme nous l’avons vu dans la première partie de cet article (contexte), il y a eu violation par la Russie d’un accord précédent.

Concrètement, l’accord qui a été violé est celui conclu lors de la 76e Assemblée générale des Nations unies à New York, qui a donné lieu à la résolution intitulée “Construire un monde meilleur et plus pacifique grâce au sport et à l’idéal olympique“.

Parce qu’une trêve olympique a été clairement établie, dans laquelle il était précisé qu’aucun acte de guerre ne devait être perpétré pendant les Jeux olympiques et paralympiques d’hiver de Pékin, la Russie a enfreint la résolution de l’ONU.

  1. Ont-elles un fondement juridique ? C’est-à-dire ont-elles été préalablement et spécifiquement définies dans une loi, un règlement, un corpus juridique, etc. ?

En principe, oui, mais pas entièrement. Par exemple, les sanctions sportives imposées à la Russie par le CIO sont prévues dans la Charte olympique[6], plus précisément aux paragraphes 1 et 2 de l’article 59° du chapitre 6 (Mesures et sanctions, procédures disciplinaires et résolution des conflits) :

« …En cas de violation de la Charte olympique, du Code mondial antidopage, du Code du Mouvement olympique sur la prévention des manipulations de compétitions ou de toute autre réglementation, les mesures ou les sanctions qui peuvent être prises par la Session, la commission exécutive ou la commission disciplinaire à laquelle il est fait référence à l’alinéa 2.4 ci-après sont…

2. Dans le cadre des Jeux Olympiques, en cas de violation de la Charte olympique, du Code mondial antidopage, ou de toute autre décision ou réglementation applicable édictée par le CIO ou une FI ou un CNO, y compris, mais sans s’y restreindre, le Code d’éthique du CIO, le Code du Mouvement olympique sur la prévention des manipulations de compétitions ou toute autre législation ou réglementation publique, ou en cas d’une forme quelconque d’inconduite… » (GRAS ET SOULIGNEMENT AJOUTÉS PAR L’AUTEUR)

En d’autres termes, le non-respect de la résolution de l’ONU peut être interprété comme relevant de toute autre réglementation ou loi ou règlement public, a fortiori si une trêve olympique avait été déclarée.

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Et les sanctions imposées par le Conseil de la FIFA et le Comité exécutif de l’UEFA pourraient être “légitimées” en tant que plus hautes instances décisionnelles des deux institutions dans les affaires de nature urgente, à condition de faire une interprétation large de l’article 34, paragraphe 12 des Statuts de la FIFA[7] :

« …12. Le Conseil traite toutes les questions relatives à la FIFA qui ne relèvent pas du champ de compétence d’un autre organe, conformément aux présents Statuts… » (GRAS ET SOULIGNEMENT AJOUTÉS PAR L’AUTEUR)

Dans le même ordre d’idées, on peut imaginer que d’autres fédérations internationales ou confédérations régionales qui ont agi de manière similaire ont des articles “ouverts” dans leurs statuts qui habilitent leurs plus hautes instances décisionnelles à prendre ce type de mesure de suspension.

  1. Sont-elles purement politiques ?

Bien qu’il y ait une composante politique évidente dans les sanctions sportives imposées au pays slave, comme le refus de certaines fédérations de participer à des compétitions internationales avec la Russie, il est également vrai qu’il y a non-respect d’une résolution de l’ONU qui habilite le CIO à exécuter toutes les mesures prises jusqu’à présent. En ce sens, il ne s’agit pas seulement de sanctions politiques.

Conclusion

Il est compréhensible que le CIO et les différentes fédérations sportives internationales et, en général, les organisations et acteurs du monde sportif, prennent des mesures contre la Russie pour sa décision d’envahir militairement l’Ukraine, surtout après que le pays slave n’a pas respecté la trêve olympique.

Cependant, une telle réaction contre la Russie sera toujours controversée et soulève d’autres questions, par exemple :

Jusqu’où iront ces sanctions ? Pour combien de temps ? Qu’en est-il des dommages collatéraux, notamment le droit des athlètes russes à concourir ? Quels sont les recours juridiques dont dispose la Russie pour s’opposer aux sanctions ?

De leur côté, les athlètes et les fédérations sportives ukrainiennes voient également leur droit légitime à la compétition violé par l’impossibilité de pratiquer une quelconque discipline sportive en pleine invasion militaire.

Il existe de nombreuses questions et interrogations qui pourraient faire l’objet d’un autre article, mais ce qui est clair, et partagé par el plus grand nombre, c’est que dans une guerre, tout le monde est perdant…

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Langue originale de l’article : Espagnol

AVIS LÉGAL : Cet article a été préparé à des fins d’information uniquement. Il ne remplace pas un conseil juridique adapté à des circonstances particulières. Vous ne devez pas engager ou vous abstenir d’engager une action en justice sur la base des informations contenues dans le présent document sans avoir au préalable sollicité un avis professionnel et individualisé en fonction de votre propre situation. Le recrutement d’un avocat est une décision importante qui ne doit pas être basée uniquement sur les publicités.


[1] Le document est disponible sur le lien suivant (en Anglais) : https://undocs.org/en/A/RES/76/13

[2] Le communiqué du CIO peut être consulté sur le lien suivant (en Anglais) : https://olympics.com/ioc/news/ioc-strongly-condemns-the-breach-of-the-olympic-truce

[3] Le communiqué du CIO peut être consulté sur le lien suivant (en Anglais) : https://olympics.com/ioc/news/ioc-eb-urges-all-ifs-to-relocate-or-cancel-their-sports-events-currently-planned-in-russia-or-belarus

[4] Les sanctions contre le Bélarus sont dues au fait qu’il est un allié de la Russie dans l’invasion de l’Ukraine.

[5] Le communiqué du CIO peut être consulté sur le lien suivant (en Anglais) : https://olympics.com/ioc/news/ioc-eb-recommends-no-participation-of-russian-and-belarusian-athletes-and-officials

[6] La Charte Olympique peut être consultée sur le lien suivant : https://stillmed.olympic.org/media/Document%20Library/OlympicOrg/General/FR-Olympic-Charter.pdf

[7] Vous pouvez consulter les statuts de la FIFA au lien suivant : https://digitalhub.fifa.com/m/e9493b214294272/original/FIFA-Statuts-2021.pdf

Cet article a été publié et traduit par Winter – Dávila & Associés, un cabinet international basé à Paris – France, composé d’avocats spécialisés dans l’arbitrage international, le droit du sport, le droit des sociétés et la représentation.

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