Publié et traduit par Winter – Dávila & Associés.
Paris, 15 avril 2021.

Auteur : Lucio Mazzei

Avocat diplômé de l’université « Luigi Bocconi » de Milan, en Italie. Master en droit international du sport à l’Instituto Superior de Derecho y Economía (ISDE) de Madrid (2018). Il a également effectué plusieurs études de troisième cycle : « Corso di Perfezionamento in Diritto e Giustizia dello Sport » (Università Statale, Milano), « Curso de Actualización de Derecho del Deporte » (Universidad Católica del Uruguay, Montevideo), et « International Sports Law Course » (University of Cambridge).

Il a travaillé pour des cabinets d’avocats spécialisés dans le droit du sport en Italie, en Espagne et en Uruguay. Il est également membre de l’association « ISDE Alumni » et de l’ »Associazione Italiana Avvocati dello Sport ».

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Depuis 1998, certains des plus grands clubs de football européens ont menacé à plusieurs reprises de quitter les compétitions de l’UEFA et de créer une Super Ligue européenne, une sorte de Premier League à laquelle seuls les meilleurs clubs européens participeraient. Jusqu’à présent, les menaces se sont toujours soldées par une réforme des compétitions de l’UEFA au profit des grands clubs. En conséquence, nombre de ces équipes prestigieuses peuvent désormais se qualifier plus facilement pour la Ligue des champions, obtenant ainsi une part plus importante des recettes des compétitions européennes.

En 2018, le journal allemand Der Spiegel a révélé des documents provenant de Football Leaks dessinant les contours d’un projet de Super Ligue européenne. Selon le rapport de Der Spiegel, un tournoi à 16 équipes aurait débuté dès 2021, structuré de manière très similaire à la Ligue des champions, où l’UEFA n’aurait aucun rôle. En octobre 2020, au moment de quitter la présidence du FC Barcelone, Joseph Bartomeu a déclaré : “Je peux annoncer quelque chose qui va changer de manière extraordinaire les revenus futurs du club dans les années à venir. Le conseil d’administration a approuvé le principe d’une participation à une future Super Ligue européenne pour les clubs, un projet proposé par les plus grands clubs d’Europe.”

De surcroit, selon le journal espagnol AS, lors de son discours à l’assemblée générale annuelle du Real Madrid, le président Florentino Perez a quant à lui déclaré : “Rien ne sera comme avant. La pandémie nous oblige à rendre le football plus compétitif. Nous devons innover et chercher des moyens de maintenir l’attrait du football. Le Real Madrid a participé à la création de la FIFA et de la Coupe d’Europe et le modèle actuel a besoin d’un nouveau départ, comme l’a montré l’impact du COVID-19. Le football a besoin d’un nouvel élan, et le Real Madrid sera au cœur de celui-ci“. Ces déclarations semblent confirmer que le Real Madrid approuve le nouveau projet de Super Ligue.

Cependant, au moment d’aborder de manière plus précise ce motif de rupture, le président de LaLiga, Javier Tebas, a affirmé que la déclaration de Bartomeu concernant la Super ligue  n’était ni vraie ni fondée sur la réalité et que le modèle actuel était capable de créer suffisamment d’attrait économique pour ne pas avoir besoin de modifications.

thetimes.co.uk

Les dernières nouvelles concernant une Super Ligue indépendante sont apparues dans le Times en janvier 2021 : le journal anglais a révélé que la banque américaine JP Morgan accorderait à chaque club jusqu’à 350 millions d’euros pour rejoindre la compétition, où ils pourraient gagner jusqu’à 240 millions d’euros pour leur participation. Selon cette information, les deux plus grands clubs espagnols, le Real Madrid et le Barcelone, recevraient chacun un budget supplémentaire de 30 millions d’euros. Cela signifie que, par exemple, entre les 350 millions d’euros par tête que les 15 clubs fondateurs de la Super League pourraient obtenir et les 3,5 milliards d’euros qui seraient partagés entre eux, le Real Madrid pourrait s’assurer un revenu immédiat de 583 millions d’euros, remboursant immédiatement les 570 millions d’euros prêtés par la banque pour la construction du Nouveau Bernabeu.

Le document révélé par le Times prévoit également que les recettes de télévision et de parrainage favoriseront les clubs fondateurs, qui auront le droit de diffuser certains de leurs matches sur leurs propres plateformes numériques : 32,5 % de la cagnotte seront répartis à parts égales entre les 15 équipes et 32,5 % supplémentaires entre les 20 clubs de football. Une autre tranche de 20 % de primes serait attribuée sur la base des performances et les 15 % restants seraient basés sur le « club awareness”. Le document fait également un clin d’œil à la gouvernance financière, avec un plafond de 55 % du revenu net imposé sur les salaires et les transferts et un “groupe de viabilité financière” chargé de superviser les dépenses.

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D’un point de vue pratique, sur les quinze clubs fondateurs, six proviendraient de la Premier League anglaise, trois de la Série A italienne, trois de la LaLiga espagnole, deux de la Bundesliga allemande et un de la Ligue 1 française, comme détaillé respectivement ci-dessous :

90min.com

  1. Chelsea ;
  2. Manchester United ;
  3. Manchester City,
  4. Liverpool ;
  5. Tottenham ;
  6. Arsenal ;
  7. Inter Milan ;
  8. Milan ;
  9. Juventus
  10. Real Madrid
  11. Atletico Madrid
  12. Barcelone
  13. Bayern Munich
  14. Borussia Dortmund et
  15. Paris Saint Germain (PSG).

Dans la même veine, selon le rapport du Times, les cinq autres places seraient occupées par d’autres clubs de haut niveau invités chaque année sur la base du mérite sportif. En outre, il y aurait deux groupes de dix clubs chacun avec des matchs en milieu de semaine (les clubs continueraient à participer aux ligues nationales de chaque pays) et les équipes classées du 1er au 4ème rang de chaque tour seraient directement qualifiées pour les quarts de finale.

Ce format garantirait à chaque club de jouer un minimum de 18 matches (jusqu’à 23) au lieu du minimum de 6 matches qu’assure la participation à l’UEFA Champions League. Il semble évident que l’argent de la télévision et les revenus du sponsoring sont les deux raisons les plus importantes pour lesquelles les grands clubs voudraient faire une telle scission : ils ont l’intention de s’affronter dans la Super Ligue européenne pour augmenter leurs revenus respectifs. En effet, selon le Times, l’objectif de la création de cette nouvelle ligue serait de gagner jusqu’à 4 milliards d’euros par saison en revenus de droits TV. À titre de comparaison, l’UEFA a récemment déclaré qu’elle avait gagné 3,25 milliards d’euros grâce à la vente mondiale des droits télévisés de la Ligue des champions, de l’Europa League et de la Supercoupe de l’UEFA.

Les pourparlers, qui se poursuivent depuis quelques mois, ont poussé la FIFA et les six confédérations continentales de football à rejeter publiquement toute initiative de ce type. Dans une déclaration commune, ils ont affirmé qu’une Super Ligue européenne distincte n’aurait pas la ratification officielle de l’UEFA ou de la FIFA, ce qui signifie que les joueurs et les clubs concernés seraient en pratique en dehors du cadre du football officiel.

Dans cette déclaration, le président de la FIFA, Gianni Infantino, ainsi qu’Alexander Ceferin et les présidents des cinq autres confédérations, ont affirmé que le seul tournoi qui sera reconnu officiellement est la Coupe du monde des clubs, et que tout joueur participant à un événement dissident ne sera pas autorisé à participer aux compétitions officielles. Ils ont également déclaré officiellement qu’ “à la lumière des récentes spéculations médiatiques sur la création d’une “Super League” européenne fermée par certains clubs européens, la FIFA et les six confédérations souhaitent réitérer une fois de plus et souligner qu’une telle compétition ne serait reconnue ni par la FIFA ni par la confédération respective. Tout club ou joueur participant à une telle compétition ne serait pas éligible pour participer à une quelconque compétition organisée par la FIFA ou sa confédération respective. Les principes universels du mérite sportif, de la solidarité, de la promotion et de la relégation et de la subsidiarité constituent la base de la pyramide du football qui garantit le succès mondial du football et, à ce titre, sont inscrits dans les statuts de la FIFA et des confédérations. Le football a une longue et fructueuse histoire grâce à ces principes. La participation aux compétitions mondiales et continentales doit toujours se gagner sur le terrain de jeu”.

Ce que nous pouvons tous comprendre de cette déclaration, c’est que la FIFA est totalement opposée à la fondation d’une Super Ligue européenne et que le seul effort qu’elle est prête à faire est la modification de l’actuelle Coupe du monde des clubs. L’objectif du président Infantino est en effet d’accroître l’attractivité des clubs non européens et la création d’une Coupe du monde des clubs différente, avec beaucoup plus de clubs du monde entier, serait un pas décisif dans cette direction. Il a déclaré : “Dans les années à venir, la Coupe du monde des clubs sera organisée en Chine et deviendra la meilleure et la plus importante des compétitions, car un tournoi mondial des clubs élargi stimulera la concurrence internationale entre les clubs“.

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Selon l’auteur, la création d’une Super Ligue européenne créerait un fossé plus grand que jamais entre les clubs “riches” et “pauvres”. Il est très probable que les équipes qui ne font pas partie de la Super Ligue européenne soient contraintes d’être des clubs nourriciers fournissant des talents aux super-riches.

La position de la FIFA et de l’UEFA sur une nouvelle compétition européenne à laquelle ne participeraient que les meilleurs clubs semble donc claire. De plus, l’UEFA, l’instance dirigeante du football européen, vient de proposer d’élargir la phase de groupes de la Ligue des champions à 36 clubs à partir de la saison 2024/2025, dans le cadre d’un effort visant à lutter contre la menace d’une Super Ligue européenne dissidente. Les détails du nouveau format doivent encore être finalisés mais devraient l’être dans les semaines à venir, selon l’Association européenne des clubs (ECA) et le président de la Juventus, Andrea Agnelli.

L’objectif du nouveau format (2024/2025) est de faire en sorte que les clubs de football jouent au moins 10 matches au lieu des six de l’actuelle Ligue des champions et qu’un club doive jouer 17 matches (au lieu de 13) pour remporter la compétition. Un autre changement sera l’introduction de quatre nouveaux clubs (de 32 à 36), mais nous ne savons toujours pas s’ils se qualifieront pour le tournoi par le biais des éliminatoires ou si l’UEFA décidera d’attribuer une place supplémentaire à  LaLiga ou à la Premier League ou si la Confédération les attribuera à 4 associations différentes moins prestigieuses.

Selon ce qui a été révélé, les 36 clubs de football seraient tous dans le même groupe, mais ils seront divisés en quatre niveaux selon le classement de l’UEFA. Ils disputeront dix matches dans le groupe (cinq à domicile et cinq à l’extérieur), dont deux contre des clubs du même niveau (système dit “suisse”). Les huit autres matches seraient répartis à parts égales entre les deux autres : trois matches contre des équipes du deuxième niveau, trois matches contre des équipes du troisième niveau et deux matches contre des équipes du deuxième niveau à nouveau.

Les huit premières équipes seraient automatiquement qualifiées pour les huitièmes de finale, tandis que les 16 équipes suivantes au classement disputeraient probablement un barrage pour les huit dernières places, et les clubs ne figurant pas parmi les 24 premiers seraient relégués en Europa League ou, plus probablement, éliminés.

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Par conséquent, le nouveau format aura pour conséquence une Ligue des champions avec beaucoup plus de rencontres : si l’on ne prend en considération que les matchs qui seront joués entre septembre et janvier, le nombre total est de 180 et, en plus des mardis et mercredis, les matches seront joués le jeudi dans le nouveau format, qui devrait commencer en 2024 et durer jusqu’en 2033.

En conclusion, après avoir analysé toutes les caractéristiques des deux tournois, la Super Ligue européenne et la “nouvelle” Ligue des champions, il convient de noter que, selon l’auteur, la Super Ligue européenne ne sera jamais mise en œuvre car le “modèle américain” sur lequel elle serait basée est inapplicable dans le contexte européen : un concept tel que la “ligue fermée” sans système de promotion et de relégation comme dans la NBA ou la NHL est très éloigné de la culture européenne, ainsi que des ligues nationales avec tous les classiques locaux et les rivalités historiques au niveau national, qui ne peuvent être supplantés. La création d’une Super League contribuerait à éroder la culture des supporters itinérants, ce qu’aucun autre sport ne peut rivaliser, et ruinerait de vieilles rivalités ancrées dans l’histoire et la géographie qui transcendent le sport lui-même. Quelqu’un pourrait-il s’enthousiasmer pour un “derby du tunnel sous la Manche” entre Chelsea et le Paris Saint-Germain de la même manière que, par exemple, un derby londonien Chelsea – Arsenal ?

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Au contraire, l’introduction d’un nouveau format de Ligue des champions avec une Coupe structurée davantage comme une Ligue avec plus de matchs entre les meilleures équipes européennes pourrait être un bon compromis entre les ambitions et les besoins de ces équipes de gagner plus d’argent grâce aux droits télévisés, encore plus essentiels à l’ère Covid-19 et la sauvegarde de l’intégrité du football et du mérite sportif, l’un des principes clés du monde du football.

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Langue originale de l’article : Italien

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Cet article a été publié et traduit par Winter – Dávila & Associés, un cabinet international basé à Paris – France, composé d’avocats spécialisés dans le droit du sport, le droit des sociétés, l’arbitrage et la représentation.

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